"LA CREATIVIDAD CRECE A MEDIDA QUE LA UTILIZAMOS"
Noémie Plaisant
Noémie Plaisant estudió arquitectura en la Universidad de Estrasburgo (Université de Strasbourg).
"Es una esfera amplia con una fuerte dimensión creativa, es un arte en sí mismo, pero necesitaba algo más concreto. Los proyectos a largo plazo no coincidían con mi personalidad. Necesito ver cosas concretas haciendose rápidamente, sentir los materiales, ver los colores, pensar en la cosa y verla aparecer debajo de mi mano directamente."
Según Noémie el arte está por todos los lados -a menudo simplemente dormido- pero todo el mundo puede decir que es un artista. Piensa que el mayor objetivo del humano es la creación,
“es así que se justifica nuestra existencia, estamos creados con el fin de crear”.
“El ego en relación con el Arte no tiene sentido para mi. Cuando creamos desaparecemos
-nos disolvemos- y es el impulso creador universal que habla a través de nosotros”.




Cualquier obra famosa en el mundo -pintura maestra, una línea o punto dentro de las sinfonías, una nota, un video del móvil, un plato de pasta- viene de lo que ella llama “la desaparición de sí mismo, que nos transporta hacia un mundo nuevo, una realidad universal que existe en cada uno.” Si se logra crear una emoción, revivir un recuerdo, evocar algo -lo que sea- es ya un éxito.
“De hecho, no me gusta cuando me preguntan -¿Qué es?.
¿Quién soy para decir lo que está representado? Una vez hecho, el arte ya no es de nuestra propiedad”.




Cuando le propuso su compañera de piso pintar un mural en directo para un evento, Noémie volvió a dibujar después de años en pausa.

“Pienso que sufrí lo mismo que todos los que intentan reconectar con el niño que tienen dentro; con su creatividad, espontaneidad, su intuición.
Sentía frustración cuando no obtenía el resultado previsto. Solía sentir decepción, ganas de dejarlo, falta de apreciación".
Según Noémie el peor prejuicio es el nuestro, pero una vez superada la ansiedad y gracias a la perseverancia- demostrando indulgencia hacia ti mismo- la magia funciona. "La creatividad crece a medida que la utilizamos".






“Habitualmente lo que impresiona con respeto al arte es la técnica, más que el contenido. Sin embargo no pienso que uno u otro tenga importancia real. Lo que importa es que salga de uno mismo. El dibujo de un niño puede tener sentido, emociones, y muchas más intenciones que el de un adulto. Es natural. Me gusta este aspecto del arte. Mis imágenes no tienen explicación, salen espontáneamente. Por supuesto, la técnica es útil y siempre una ventaja en cuanto a la realización de lo que tenemos en mente, pero me refiero a que no tiene que consistir en una barrera. La ausencia de técnica no disminuye la sensibilidad".


Noémie suele trabajar con varios materiales : pinturas, lápices, tampones, collages. Recientemente experimenta con tintas de colores con gran capacidad de difusión con otros materiales, le gusta mezclarlas con pasteles grasos que le permitan crear texturas gruesas y dibujar sin pensar demasiado.
A su vuelta de un viaje de descubrimiento por la India, trabaja en colaboración con su novio (Fidel Mehra) en un nuevo proyecto: un juego de cartas de estilo tarot, sobre el despertar espiritual.




Version originale en Français
Je m'appelle Noémie, et c'est encore difficile pour moi de m'appeler "artiste". Artiste, je pense que tout le monde l'est, mais je trouve que c'est une appellation un peu compliquée, étant donné qu'elle est souvent reliée à une dimension d'ego et de fierté. Quand je dis "je suis artiste", j'ai un peu l'impression de me la péter, alors qu'en fait pas du tout, l'art est partout et en tout le monde. Il est souvent endormi, c'est tout, mais tout le monde peut dire "je suis artiste".
D'après moi, le but de l'être humain est la création : c'est comme ça que se justifie notre existence, on est créé.es pour créer. Evidemment, ça peut être sous plein de formes différentes, mais en s'en rend vite compte dès que l'on commence à exercer sa créativité : c'est quelque chose qui dort en nous. C'est pour ça que l'ego dans l'art n'a aucun sens pour moi : quand on crée, on disparaît, on se dissout, et c'est l'élan créateur universel qui parle à travers nous. En quelque sorte, nous sommes et ne sommes pas les auteur.rices de l'oeuvre à la fois.
Ça peut être un chef d'oeuvre universellement reconnu, un tâbleau de maître, une symphonie ou juste une ligne, un point, une note, une vidéo sur ton portable, un plat de pâtes... Ça vient toujours de ce que j'appelle la grâce, la disparition du soi, et alors ça nous transporte vers un autre monde, une réalité universelle qui existe en chacun de nous. Si on réussit à créer une émotion, rappeler un souvenir, évoquer quelque chose, quoi que ce soit, c'est gagné ! D'ailleurs, je n'aime pas trop quand on me demande "qu'est-ce que c'est ?". Qui suis-je pour dire ce qui est représenté ? Quand l'art est fait, il ne nous appartient plus.
Personne n'a le droit de ce dire ce qui est représenté, même l'artiste. D'après moi, l'art doit rester une expérience personnelle. Si tu vas dans une exposition et tu lis toutes les légendes, le petit bordereau sur la vie de l'artiste, ses intentions, etc, ok tu sauras ce qu'il avait derrière la tête, mais est-ce que tu connaîtras vraiment l'oeuvre ? Toi seul.e peut décider ce que tu y vois, certaines oeuvres te parleront et d'autres pas, ce n'est pas grave, détends toi et vis l'art, joues, expérimentes. Il t'appartient, fais-en ton monde !
Je viens du domaine de l'architecture. Ça m'a beaucoup apporté, même si j'ai assez vite été désenchantée. C'est un milieu formidable avec une forte dimension créatrice, c'est un art à part entière (n'en déplaise à certains architectes), mais j'avais besoin de quelque chose de plus concret, et l'échelle de temps des projets ne correspondait pas à ma personnalité. J'ai besoin de voir des choses concrètes réalisées rapidement, de palper les matériaux, voir les couleurs, penser la chose et la voir surgir sous ma main directement. L'architecture exigeait une patience dont je ne disposais pas, et le côté créatif qui me plaisait le plus n'était en fait qu'une petite partie du travail. Je me suis alors tournée vers le dessin, la peinture et l'artisanat. J'expérimente actuellement en céramique et poterie et mène également quelques projets textiles. Finalement, je peux y appliquer beaucoup des compétences acquises lors de ma vie d'architecte.
En fait, je me suis remise au dessin assez récemment, il y a un peu plus d'un an. J'ai toujours aimé créer (quel.les gamin.es ne dessinent pas me direz-vous ?), mais j'avais un peu perdu ça au fil des années, et je pense que je souffrais d'à peu près les mêmes problèmes que n'importe quelle personne qui essaie de se relancer et de se reconnecter avec son enfant intérieur, sa créativité, sa spontanéité, son intuition... Frustration dès que je n'obtenais pas le résultat escompté puis abandon, dévalorisation, syndrome de l'imposteur... Je pense que ce sont des choses naturelles qui arrivent à quiconque se met à faire quelque chose qui vient de soi : le pire jugement est toujours celui qui vient de soi-même. Et c'est à cette étape que c'est difficile de continuer, mais si on passe au delà, qu'on se détend, qu'on persévère et qu'on est pas trop dur.e avec soi-même, alors ça marche ! La créativité, plus on l'utilise plus on en a. C'est quelque chose dont je me suis assez rapidement rendue compte, quand on sort les idées de sa tête, les suivantes arrivent naturellement.
Je me suis remise à dessiner quand ma coloc m'a proposé de peindre une fresque dans un centre culturel (merci Chantal pour cette opportunité et cette confiance). Je n'avais jamais fait ça, et je ne dessinais presque plus depuis des années, mais j'ai pris mon courage à deux mains et j'ai peint toute une après-midi devant une cinquantaine de personnes. J'étais tellement absorbée dans le travail que je ne les ai même pas remarqués ! Puis, quelques mois après, j'ai participé à un concours de dessin. Il y a eu beaucoup de participations dont des illustrateurs reconnus alors évidemment je n'ai pas gagné, mais un de mes dessins à quand-même été sélectionné, et ça m'a redonné de l'élan. Je me suis rendue compte qu'en fait, les autres appréciaient mon travail davantage que ne le valorisais moi-même ! C'est quelque chose dont tu dois toujours te rappeler : tu n'as pas le même regard sur ta production que le reste du monde, alors chill down !
En toute honnêteté, je crois que je n'ai pas beaucoup de technique et que mon dessin est très naïf, mais en toute honnêteté également, je m'en bats les steaks. Ce qui impressionne souvent dans l'art, c'est plus la technique que le contenu. Moi je crois que ni l'un, ni l'autre n'a d'importance ! Ce qui importe, c'est que ça vienne de soi. Un dessin d'enfant peut être porteur de sens, d'émotions, et de bien plus d'intentions qu'un dessins d'adulte. Il est naturel, c'est ce qui le différencie. J'aime cet aspect de l'art. Mes images n'ont pas d'explication, elles me viennent comme ça, spontanément. Quand je n'ai pas d'idée, je m'assois, je respire et je ferme les yeux. Parfois les images apparaissent toutes seules. Alors je n'ai plus qu'à les extérioriser. Souvent ça ne ressemble pas à ce que j'avais en tête, who cares ? L'image "happens", je ne considère pas que quoi que ce soit relève de mon contrôle. Evidemment, la technique est utile à l'art et c'est toujours un avantage de la maîtriser et de disposer d'un éventail de possibilité pour pouvoir matérialiser ses idées au plus proche de ce qu'on a en tête, mais ce que je veux dire, c'est que son absence ne doit pas constituer un blocage. L'absence de technique n'occultera jamais ta sensibilité.
Je dessine ce que je vois, les images viennent toutes seules, et ce qui me plaît c'est que je ne leur appose pas de sens ou de signification, et j'aime entendre ce qu'y voit chacun.e. Différentes histoires, des références à différentes oeuvres ou concepts philosophiques, à des souvenirs personnels... J'aime laisser ouvert. Je peux toujours faire un effort après avoir extériorisé l'image pour lui trouver une explication pompeuse, et on y croira, mais quelle importance ? De toute façon, ce sera ma vision et mon explication, pas la tienne. Trouves-lui plutôt une explication toi-même, je ne vais pas non plus faire ton travail !
Je travail souvent en mélangeant différentes techniques, peinture, crayons, tampons, collages... J'expérimente en ce moment avec les encres de couleurs dont j'aime beaucoup l'aspect brouillard diffus, et les pastels à l'huile ou à la cire qui permettent des textures grossières et de dessiner sans trop réfléchir. Cette manière de travailler me correspond bien, parce que j'aime expérimenter et tout essayer, je suis le genre de personne qui ne tient pas en place. J'ai du mal à me limiter et à faire des choix, alors mélanger un peu tout me permet d'éviter la frustration et de développer plusieurs univers à la fois.
Depuis mes voyages en Inde, mes oeuvres prennent une direction plus spirituelle. Les expériences de méditation, la quête de soi, la présence du sacré et le symbolisme spirituel m'ont inspirée de nouveaux contenus, et je travaille actuellement sur un nouveau projet en collaboration avec mon copain qui écrira des textes en parallèle : un jeu de cartes type tarot sur le thème de l'éveil spirituel. Chaque carte correspondra à un thème et sera associé à un texte destiné au développement personnel, et éventuellement une musique méditative. J'ai aussi le projet de réaliser des illustrations pour des tracks musicales réalisées par des amis, ainsi que quelques commandes de fresques à venir. J'aime varier les formats et les inspirations.
Pour finir, quelques exercices accessibles à tou.tes qui m'ont aider à développer ma créativité les jours de panne : choisis un tableau que tu aimes et réalises-en plusieurs variantes avec différent techniques. Moi j'ai choisis les Poissons rouges de Matisse que je te partage ici. Cet exercice permet d'éduquer le regard, tu te rendras compte petit à petit que tu verras l'image différemment et elle prendra un nouveau sens pour toi au fur et à mesure que tu te l'appropries. Tu peux aussi faire des taches de couleur random sur une feuille puis imaginer ce qu'elles pourraient être. Un chat ? Une théière ? Un vélo ? Complète les dessins ! Ou encore, regarde autour de toi, que vois-tu ? Une paire de ciseaux, une peluche et une tasse ? Invente une composition à partir de ces éléments, pourquoi pas un monstre ou un paysage, laisse libre-court à ta créativité !